Mobiliser le langage en maternelle : pour une pédagogie de l’écoute

Voici mes « notes d’écoute » d’une conférence intitulée « Apprentissage du langage à l’école maternelle. Pour une pédagogie de l’écoute. »

L’intervenant, Pierre Péroz, est maître de conférences en science du langage à l’ESPE de Nancy-Metz. J’ai trouvé ses propos très intéressants donc je les partage ici. Bonne lecture !

Vous trouverez le lien vers les vidéos au bas de l’article.

Vidéos 1 à 6

Constat de Pierre Péroz : après un temps de lecture, les « grands parleurs » ont très envie de s’exprimer, de montrer qu’ils ont compris mais ne sont pas interrogés. Très rapidement, ils s’impatientent, émettent des phrases très courtes sans lever le doigt car ils savent que s’ils développent leurs réponses, l’enseignant leur rappellera qu’ils n’ont pas eu la parole. Ces élèves n’ont aucun intérêt à écouter la parole des autres enfants « plus longs à la détente ». Pour eux, seule la parole de l’enseignant compte.

Inversement, les petits parleurs sont vite perdus. Tout va trop vite. Ces élèves ont besoin de se sentir en sécurité pour parler. Or, trop souvent, l’enseignant ne fait pas respecter les règles de prise de parole (lever le doigt). Quand ils sont sollicités par l’enseignant, ils reformulent souvent une réponse qui a déjà été faite par un élève et ont pour retour un message négatif du type « Oui ça on l’a déjà dit. ».

Ce type de séances n’est donc profitable à aucun élève.

C’est pourquoi Pierre Péroz propose de passer de ce scénario A au scénario B.

Dans le scénario A, l’enseignant est vite débordé et ne peut pas solliciter nommément les petits parleurs. Le scénario B est profitable à tous les élèves car les parleurs, qui constatent qu’il y a beaucoup de répétitions dans les dires de la classe, vont chercher à être plus précis, à ajouter des informations pour se démarquer. [Quelles questions posées pour engager de multiples réponses de la part des élèves et aboutir au scénario B ? Pierre Péroz l’explique en détail dans la vidéo 8.]

 

Vidéo 7

Pierre Péroz propose deux retranscriptions de séances de langage menées à la suite de la lecture d’un texte.

La seconde retranscription est nettement plus riche (discours d’évocation, temps passé…) que la première (discours de situation). On pourrait penser que la seconde séance a été plus riche car il s’agit de la deuxième lecture.  En fait, non. La deuxième retranscription renvoie à la première lecture du texte (et non de l’album) ; l’enseignant a retranscrit le texte d’un album en l’adaptant pour compenser la relation texte/image qui disparait.  La première retranscription décrit la séance suivante qui a consisté en la lecture de l’album.

Conclusion : l’usage d’un texte amélioré est plus propice à un travail de langage. En effet, lorsque l’on s’appuie sur l’album, les élèves se souviennent des illustrations et les décrivent. Il est inutile pour eux d’être précis (d’indiquer qui dit quoi, qui fait quoi) car grâce aux images que tout le monde a vues, « tout le monde » comprend. Les élèves restent dans le présent (comme le texte de l’album). Mais l’emploi de l’imparfait, du passé simple, du passé composé, rare dans les albums, est nécessaire aux élèves pour résumer un texte sans illustration.

Ainsi, Pierre Péroz préconise de diviser notre temps d’étude de textes ainsi :

  • 1/3 d’albums
  • 1/3 de textes sans images (Collection 1000 ans de contes chez Milan par exemple)
  • 1/3 de contage. L’enseignant devient conteur. Dans ce cas, on ne parle pas de textes mais de discours.

Incohérence actuelle : on demande aux élèves de raconter l’histoire entendue. Mais on ne leur donne jamais le modèle du contage. On ne leur raconte jamais une histoire.

Comprendre le récit ne se limite pas à comprendre la chronologie. La chronologie est l’objectif terminal.

Les petits parleurs sont souvent très subtils : ils parlent peu mais parce qu’ils parlent peu, ils interviennent souvent avec précision si les conditions leur sont favorables.

 

Vidéo 8

La pédagogie de l’écoute est le contraire de la pédagogie de la surprise, du suspense. Pierre Péroz nous encourage à être clair dans l’objectif pédagogique : « Les enfants, je vais vous lire une histoire. Après je vous demanderai de la raconter. Pourquoi on fait ça ? Parce qu’à l’école, on apprend à parler, à raconter. »

 Séance très ritualisée :

  • L’enseignant commence par lire ou raconter.
  • Puis moment de langage :

Les questions peuvent être répétées plusieurs fois car ce sont des questions ouvertes. Exemples : De quoi vous rappelez-vous d’autres ? De quoi vous souvenez-vous ? Est-ce qu’on a tout dit ? On n’a rien oublié ? Le but n’est pas de résumer l’histoire. Les élèves doivent être le plus propre possible du récit.

L’enseignant n’a pas à rebondir, à recadrer… Quand l’enseignant rebondit, c’est qu’il est dans le dialogue individuel.

Première question à poser : « De quoi vous rappelez-vous ? » Cette question occupera la classe pendant la majeure partie de la séance.

Deuxième question : « Qui sont les personnages ? » En français, c’est difficile car dès qu’il y a plusieurs personnages masculins ou féminins, il faut identifier les « il » et les « elle ». Quelles sont leurs motivations ? Que veulent-ils ? Quels sont leurs projets ? Leurs difficultés ?

Troisième question : « Et vous, si vous étiez X ? ou Y ? Qu’est-ce que vous auriez fait ? Qu’est-ce que vous pensez de X ou Y ? » Compréhension fine de l’histoire, sa morale. On peut poser la question pour tous les personnages.

On peut finir par « Avez-vous aimé cette histoire ? », « On la relira.»

L’enseignant peut dire : « Première partie, on parle de ce qui se passe. (…) Deuxième partie : les personnages, etc. ». C’est très explicite et ritualisé.

Pierre Péroz observe ainsi des séances qui durent 40 minutes. La durée de l’attention dépend de l’intérêt des élèves. Avec ce type d’échanges, les élèves sont actifs ; ils y voient de l’intérêt.

 

Si cet article vous a intéressé, je vous propose de lire l’article « Mener une séance de lecture offerte : les conseils de Roland Goigoux » dont les propos sont proches et se complètent.


Je ne sais pas si mes notes seront claires pour ceux et celles qui n’ont pas regardé les vidéos. Je l’espère. Comme d’habitude, n’hésitez pas à ma rejoindre sur la page Facebook du blog ou sur Twitter.  Bonne continuation !


SOURCE :

Conférence Canopé Académie de Reims organisée en octobre 2013 à l’ESPE de Troyes : http://www.cndp.fr/crdp-reims/ressources/conferences/peroz/peroz.htm


Si vous voulez approfondir le sujet, sachez que Pierre Péroz a publié un livre sur ce thème. (Livre à emprunter ou à acheter avec le budget mairie vu son coût…)

Lien vers la page Amazon du livre

3 réflexions sur “Mobiliser le langage en maternelle : pour une pédagogie de l’écoute

  1. Caruso dit :

    Merci pour cet article, je l’étudierai en profondeur.
    J’avais déjà lu des articles de Peroz (découvert en remplacement) et quasiment à chaque remplacement de maternelle (voire CP), je travaille sur Le Cochon Magique (Dorothee de Monfreid) où les personnages ont une envie particulière (être riche, être beau, etc…) du coup, beaucoup de dialogue avec les élèves (qui sont les personnages, que veulent-ils, est-ce qu’ils y arrivent, comment, et vous comment feriez-vous…?)

    • Merci pour votre commentaire. J’utilisais moi aussi cet album lors de mes remplacements ! Je vous envoie par mail mes documents. Ma séquence est peut-être à remanier : je me souviens l’avoir faite une fois en classe de cycle 1 et que j’avais constaté que j’étais passée trop vite à la fiche de travail… Mais j’avais peut-être improvisé (comme je le fais souvent en remplacement) et lu l’album entier d’un seul coup… Je ne sais plus trop. Quoiqu’il en soit, vous pourrez au moins vous imprégnez de mon travail.

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